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33 ans de vie violée
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33 ans de vie violée
22 septembre 2017

Lettre à mon ravisseur

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Chapitre 10: Un grand mirage

 

Je suis désolée de faire un petit chapitre hors chronologie. Mais ce matin, en écoutant une magnifique chanson, triste, évidemment, j'ai eu une larme. De ces larmes qui ont une importance. Je me sens triste. Une tristesse sans nom apparent. Triste à m'asseoir dans la salle de bain. A crier dans mon oreiller.

Je me suis mise à penser, suis je seule? Et si je l'étais? Et si nous l'étions tous? Ou seulement moi? Avec mes souffrances. A me transcender par amour, à me dépasser au nom de celui ci. Et si j'étais seule à me surpasser par amour?

Et si l'amour emportait tout chez moi? Et si c'était une erreur?

Et si à quatre vingt ans, je me retrouvais dans mon lit avec toutes mes ombres?

Et si elles étaient déjà là autour de moi? Ces ombres. A attendre ma nuit, à attendre que je flanche pour me dévorer.

Et puis j'ai les images de mon enfance affreuse. Elles me reviennent. Et je me tords. Je me tords car je ne connais aucune nostalgie de l'enfance. Je ne serai jamais à l'aise lorsque les trentenaires aiment à se rappeler les bons moments. Les vacances en famille. La joie de l'innocence et des prés fleuris. La liberté de courir et d'en être heureux. D'avoir fait des bêtises. Et d'en rire. Je serai seule. Je n'ai aucun bon souvenir. Je ne peux plus regarder les fausses photos. Car je sais ce que je ressentais derrière le sourire. La haine. L'angoisse. La frustration. Je n'ai pas de madeleine de proust, je n'ai pas à quoi m'accrocher dans le passé. Je le revois. Sa peau mate. Ses sourcils noirs. Et il me fait peur. Il est violent. Et pervers. Et je le sais.

Je l'ai toujours su. Mais j'ai voulu me transcender par amour. J'ai voulu dépasser mes propres torpitudes et lui offrir de l'amour. Qui connait aujourd'hui la valeur de ce cadeau? Car c'était pour moi un travail de tous les jours, le geste le plus noble que je pouvais lui donner. Quand j'ai compris que lui s'en fichait, j'ai continué. Car je suis persevérante. Et que je suis amour. Je pense qu'il peut soulager. Aider. Apaiser. Tout apaiser. Même le pire des connards.

Je le revois. A la plage, ce jour là, en train de regarder des filles jeunes -avec de jolis corps-, les gars d'à coté se sont même moqués de lui car il était pas discret. Et je réentends son rire. Et son regard sur moi. Sur mon corps. De 12 ans. Avec ses imperfections. Mon ventre. Mes seins. Et je me sentais horrible. Je voulais me cacher. De ses yeux noirs.

Je le revois. M'emmener à la pharmacie pour acheter du doliprane car j'avais mal à la tête. Et acheter des préservatifs. Dans un petit sac qui faisait du bruit. Et le cacher. Sous son oreiller. Dans une studio de vacances où nous dormions tous dans la même pièce. Et faire son petit jeu à ma mère toute la soirée. Avec le plan derrière. Sans se soucier des enfants. De notre intimité à nous.

Je le revois à la montagne. Le matin. En érection aller aux toilettes. Et me croiser fièrement. 

Et me boucher les oreilles. En espérant que le silence allait se faire.

Je le revois. Venir ouvrir la porte un jour que j'avais fini plus tot, que j'avais de la fièvre, en caleçon. Sans explication, c'est normal. D'ouvrir à sa fille de 15 ans nu en pleine journée. Et ma mère qui ne disait jamais rien de ça. Qui laissait tout ça se faire. 

À cet homme, mon père -même si je déteste ce terme-, je lui ai offert de l'amour. Celui d'une fille. Qui pensait qu'en innondant une personne d'un tel sentiment on pouvait le guérir. Voir en recevoir à mon tour. Même si ses mains me dégoutent toujours. Je les revois aussi. Je ne sais pourquoi mais j'ai envie de vomir encore et encore lorsque j'y pense. 

J'ai dépassé mon dégoût pour lui. En essayant, à me rendre folle, de l'aimer, de le protéger, de l'aider à comprendre qu'il se trompait. Mais je ne suis pas un zoloft. Je ne suis pas un alprazolam. Je ne peux pas tout guérir. Pas les pervers. Pas les pères dégoutants et tordus. Pas la noirceur de leurs yeux et leurs âmes. Quand je le revois et que j'ai envie de vomir, j'imagine toujours qu'il sera noir. Mon vomi. Noir pétrole, gluant. Sans odeur. Car le mal n'a pas d´odeur, ni de visage. Mais ce que je sais c'est qu'il a une couleur. Une couleur noire.

Alors je n'ai pas changé, je pense toujours qu'il n'y a rien de mieux que l'amour. Qu'il n'y a que ça comme cadeau à attendre sous un sapin. Qu'il prenne la forme d'un petit ou d'un grand paquet, l'ouvrir et recevoir ce sentiment que l'autre nous aime. Dit autour d'un ruban ou d'une carte. On devrait tous recevoir ce présent.

Tous sauf toi. Je ne pourrai plus jamais t'aimer. Comme moi je l'entends. Aimer à me surpasser. Tu as été mon ravisseur. Tu m'as refusé une enfance heureuse. Tu n'es pour moi qu'une personne vivante sur terre. Tu seras surement la seule pour qui je ne ferai rien même si tu souffres. Je ne viendrai pas te voir pour te pardonner. Je ne te donnerai jamais, ni à elle, l'extreme onction. Je me pardonne de te dire ça. 

Je n'ai aucune honte de te le dire. Je ne serai pas là pour toi, si tu meurs lentement. Je serai plus jamais là. Mon amour de fille je le garde. Dans un petit coffre au fond de moi. À clef. L'amour est trop précieux. Au nom de lui, je t'ai laissé me faire trop de mal. Alors je te dis, je suis triste parfois. Triste d'avoir travaillé pour un grand mirage.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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