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33 ans de vie violée

33 ans de vie violée
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33 ans de vie violée
7 décembre 2017

Et plus encore Mon récit n'est pas un récit

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Et plus encore

 

Mon récit n'est pas un récit égoiste. C'est un chant d'amour à mes enfants, un chant d'amour à mon mari. A la volonté. A la parole.

Si aujourd'hui je suis dans une vie en noir et blanc, je suis en vie.

Tant que je suis aux cotés de mon mari, je pourrai tout affronter. Tout. J'ai la force de vivre pour lui. Il m'a tout offert. Et continue tous les jours d'avoir la patience d'attendre que mon corps arrête de souffrir. Nous avons notre force pour lutter contre les injustices de la vie. Nous avons nos boucliers. Et le mien c'est lui. Cet homme qui vit avec moi tous les jours.

Nous avons appris il y a quelques jours qu'il y avait plusieurs masses au niveau de mon rein. Les injustices sont ce qu'elles sont. Elles seront toujours là. Mais lui aussi, il est là. Et avec lui avec moi je pourrai toujours m'envoler. Je n'oublierai jamais ce cadeau énorme que m'a fait la vie. Même si je souffre. Même si je dois faire face à des choses graves. Même si les examens dans un mois me terrorisent. Même si je dois me battre contre des cellules. Son amour me pousse aussi fort que ces sphères poussent.

Pour lui, je ferai tout.

Pour le rendre fier. Pour qu'il garde de moi le souvenir d'une femme qui l'aime, forte et déterminée. L'amour, mon amour.

Je ne connais pas d'amour aussi fort et sincère que celui que je lui porte. Cet homme, mon mari, est la personne, la seule, qui me voit belle lorsque je suis bouffie des médicaments, amaigrie des soucis, soucieuse, gaie, folle, en pyjama, allongée dans le sang, presque sans vie. Il me voit. Quelle chance de pouvoir avoir quelqu'un qui nous voit vraiment. Qui sait lire mes larmes. Qui sait lire mes non larmes. Lorsqu'elles sont aux bords de mes yeux. Qui sait mes faux rires, pour nos enfants. Qui connait tout de moi. Et l'accepte. Et m'aime pour cela. Il sait caresser ma peau sèche des bas de contention. Il sait caliner mon front ridé de trop froncer. Il sait s'agacer de son travail et chanter des chansons énervantes. Il est tatillon. Il est tétu. Il est parfois si agacant lorsqu´il a raison. C'est un homme si raisonnable. Qui sait me réconforter. Meme quand je lui hurle que non. Il est là.

Je ne connais pas de personne aussi douce que lui. Il est gentil avec moi. Vraiment. Il dépasse ses peurs pour moi. Il se dépasse tous les jours. C'est un papa merveilleux, qui donnera tous pour nos amours. Je sais que je peux partir en paix. Mes enfants seront élevés tels que je l'aurai toujours voulu. Je peux me reposer. Je sais qu'il le fera. C'est un homme de parole. Un homme de principe.

Quand je pense à nous, je suis heureuse.

Je pourrai traverser toutes les routes. Toutes. Les pistes vertes ou noires. Avec toi je prendrai le temps, aussi infime soit il, de regarder la beauté des sapins. De te lancer des boules de neige. De rire à tes blagues. De poser ma tête sur ton épaule. De te dire de faire attention. De te râler dessus. De te surprendre. De te couvrir de baisers. Discrets mais intenses. De te sentir. De regarder nos empreintes dans la neige. De faire des poses ridicules. De te taquiner. De te défier. Je te regarde. Je te regarde.

Je ne sais pas ce qu'il restera de moi un jour, mais je te regarderai toujours. La plus belle chose que j'ai vue. C'est toi.

Nos enfants sont ton portrait, ils seront un homme sensible et une femme forte. Intelligents. A ton image, doux et grands. 

Je ne sais pas ce qu'il va se passer pour moi mon amour. Mais lorsque tu as mis ta main froide dans la mienne pour la première fois, sache que je ne l'ai jamais lachée. Je ne la lâcherai pas. Je ne crois pas aux liens invisibles. Tu sais pourquoi. Je crois que notre lien est visible. Il est réel. Seuls nous le voyons c'est tout. Et ce lien rien ne pourra le couper. Ni des masses. Ni des douleurs. Ni des souffrances. Encore moins des personnes. Personne ne peut atteindre la hauteur des sentiments qui m'envahissent lorsque je pense à toi.

A toi, mon amour, je t'aime. Pour ce qui est de ma vie. Et plus encore.

 

 

 

 

 

 

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9 octobre 2017

En solitaire- à ma fille.

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Chapitre 14: En solitaire

Cela fait maintenant six semaines que je suis convalescente. Convalescente. D'une grossesse d'il y a 7 mois.

Je croyais avoir vécu le pire dans ma vie. Je croyais avoir passé tout ce qu´il devait se passer. De difficilement acceptable. Je pensais que la chance revenait. Que mes tracas du quotidien seraient une agréable gestion finalement. Que je me trompais.

Mon mari et moi avons souhaité défier la nature en voulant un second enfant. J'ai à nouveau choisi les traitements, les piqures, les échographies et les rapports calculés. Et j'ai eu la merveilleuse surprise au bout de plusieurs mois d'attendre une petite fille. Cette petite fille, avec toutes les difficultés que j'ai eu, je te le dis elle est forte. C'est une petite fille forte. Une petite fille à part. Qui comprend tout. Qui sent tout. Elle fera quelque chose de grand j'en suis certaine. Cette petite fille, adorable, souriante, qui a le plus doux des visages, a une force bien plus grande que nous tous. Ce qu'elle a en elle, je l'admire. À 7 mois elle est déjà beaucoup plus solide que moi. L'admiration que je lui porte est sans fin. 

Je n'ai pas pu m'en occuper pendant 7 mois, et je ne peux toujours pas la porter. Et je te le dis ne pas porter son enfant pendant ses 7 premiers mois. C'est difficile. Et je suis loin de trouver le mot assez profond, noir et souffrant. Je n'ai pu l'allaiter que 3 semaines. J'ai du tout arrêter. Et je me revois dans cette chambre de cardiologie, lui expliquant que pour faire les examens que l'on me demande, je vais devoir arrêter de lui donner le sein. Que je suis désolée. Excuse moi. Je n'ai pas le choix. Je dois me soigner. Plus jamais je ne l'ai sentie sur mon sein. Plus jamais je n'ai pu la sentir sur ma peau. Si petite, née à 8 mois. Je devais abandonner notre moment de peau à peau. Notre moment d'amour. Et l'abandonner. J'avais l'impression de la laisser là. Dans sa poussette. Et de partir.

Partir pour un scanner. Mais partir pour toujours d'elle. Que j'allais la perdre. Et peut être mourir. Sans la connaitre. Sans voir ce qu'elle allait devenir. Une femme meilleure que moi, plus solide, plus belle, plus libre.

Apres mon accouchement, j'ai eu des hémorragies. Au départ, j'ai eu des traitements. Pour les stopper. Et elles se sont stoppées. Mais mon coeur a commencé à bradycarder. Et mon médecin m'a dit tu fais une embolie pulmonaire. Et là j'ai cru mourir instantanément. Que tout était foutu. Que ma dernière image serait surement le scanner. Et je lui ai tout dit à ma petite fille. J'ai écrit toutes mes lettres. Pour ceux que j'aime. Pour qu'ils sachent ce qu´ils savent déjà. Mon amour et ma fierté d'avoir vécu avec eux. Je voulais qu'ils puissent le lire à chaque fois qu'ils seraient tristes. Et que mon tout petit bébé connaisse la voix de sa maman sur le papier. 

Finalement, je ne faisais pas d'embolie. Mais ils ne savaient pas ce qu'ils se passaient. Ce qu'il se passait c'est que j'avais un bout de placenta resté à l'intérieur. Depuis 3 semaines. J'ai eu à nouveau cytotec. Puis un curetage. Un putain de curetage. Pendant ce temps là, ma petite était là sans sa maman. Elle était ballotée de bras en bras. Sans les miens. Excuse moi ma chérie. Excuse moi.

1 semaine après le curetage j'ai fait une hémorragie massive.

Je faisais une hémorragie de l'artère utérine. Il fallait emboliser l'artère. On vous promets -Madame- c'est la fin du cauchemar. -Tenez bon.

Je tenais pour toi ma petite fille. Pour toi mon fils, qui était seul. Et pour toi mon mari, qui faisait de ton mieux pour les enfants. Pour vous, je suis allée à l'embolisation seule. Je suis montée sur la table froide de l'opération. Avec tout le courage dont je pouvais faire preuve. Je pensais à toi ma fille, seule aussi, sans moi. Et je me sentais tellement coupable, que je pouvais tout supporter.

Au réveil, j'avais mal, et j'ai compris que l'opération avait été compliquée. Que l'artère avait été compliquée à boucher. Et j'avais mal. On m'a dit c'est rien, c'est normal. Je suis revenue en chambre. Et la douleur est devenue insupportable. Je faisait une hémorragie interne, une plaie artérielle grave avec tout le produit de contraste qui s'écoulait dans mon corps. On m'a dit de dire au revoir à mon mari.

Je hurlais.

Je hurlais de toutes les douleurs. De ne plus vous voir mes amours. De mourir. La morphine n'agissait pas. 

Mon mari pleurait.

Et je suis partie au bloc. Où j'ai vu tous les médecins, le gynéco, le chirurgien vasculaire, le chirurgien viscéral. Des écrans partout. Et là encore cette phrase. - c'est fini cette fois Madame. Endormez vous tranquille. J'étais dans le noir. C'est là où on est quand on meurt. Dans le noir. Je le sais maintenant. Il n'y a rien d'autre. Rien. On est seul dans le noir. Et on ne les voit plus ceux qu'on aime. Je ne voyais plus ma petite fille. J'allais la laisser seule. Sans moi, sans maman pour grandir. Mon fils, mon mari. Je ne les verrai plus jamais. Je ne les verrai pas d'en haut. Grandir et vivre. J'ai toujours imaginé qu'il y aurait comme une petite télé. J'aurai pas pu leur parler, mais au moins les regarder. Voir ce qu'ils deviennent. Mais je sais que cette télé là n'existe pas. Mon âme ne va pas s'envoler. Elle partira avec mon corps. Ne restera que mes lettres et les valeurs que j'aurai données à mon fils.  Ma fille ne connaitra pas sa maman. 

Et je me suis réveillée. On avait du m'ôter la trompe, nécrosée, et me faire une coelioscopie avec un redon etc. J'étais réveillée. Je n'étais pas morte. Je voyais mon mari. Blanc. Mais il était là. Et puis j'ai vu ma petite fille.

J'ai souffert atrocement physiquement. Cette expérience m'a tellement changée. 

J'ai passé 4 semaines allongée. A attendre que tout cela se remette. Et puis au bilan, on m'a dit tout va bien, partez en vacances. Ca vous fera du bien.

Nous sommes partis. L'ile de ré c'est ravissant. Sans le sang. Deux jours plus tard je refaisais une hémorragie. Et nous sommes rentrés. Ma tension à 7. La salle de déchocage. Consultations des meilleurs professseurs, Irm, uroscanner, angioscanner. Et personne ne savait d'où provenait le sang. On m'a donné un médicament pour être ménopausée et un antihémorragique. Pour voir.

J'ai vécu comme cela, dans l'attente que les saignements s'arrêtent. Mais les saignements revenaient de plus en plus souvent. Au point que mon intestin a commencé à souffrir lui aussi. Je me suis fais dessus. Et j'ai appelé mon mari. Je touchais le fond. Tout partait en vrille. Une vrille dans laquelle je tentais de garder une dignité. Mais à ce moment là je savais. Je savais. Que cette vrille ne s'arrêterait pas. Les antihémorragiques ne fonctionnaient plus. Plus rien n'y faisait. Je pensais mourir d'une hémorragie massive. Que je ne me relèverai plus.

Alors avec le courage qu'il me restait je suis allée sur la table froide. Pour une hystérectomie. 6 mois après la naissance de ma petite fille, j'étais là sur la table. A attendre qu'on m'enlève mon utérus. Je n'aurai plus d'enfants. Je ne serai plus jamais maman. A nouveau. On allait vider mon ventre. Ce foutu ventre.

Toujours en convalescence. Vivante mais un peu morte de quelque part. J'ai perdu plus qu'un utérus. Je ne sais pas encore trouver les mots entre le merveilleux sourire de ma fille, la souffrance de ne pouvoir la porter, de n'avoir jamais pu m'en occuper et la joie d'être vivante et de pouvoir les regarder. Je ne sais pas comment expliquer à quelle point je suis triste à l'intérieur. Qu'en moi j'ai perdu l'innocence de la vie. Je sais que je peux tout perdre. Que le noir peut arriver d'une seconde à l'autre. Et que plus aucun bébé ne sera dans mon ventre.

Alors - tu as de beaux enfants en bonne santé -va te faire foutre.

Je le sais, et je suis reconnaissante pour cela. Mais cela ne m'enlève pas la peine. Je suis en peine. Je suis en peine. Peine de ne plus pouvoir choisir.  Peine de regarder ma fille qui ne connait pas la maman que je suis vraiment. Je ne peux pas la consoler dans mes bras. Je ne peux pas la coucher dans son lit. Peine de ne pouvoir avoir d'autres enfants. Je me sens inutile. Mon corps est déformé. Flasque et des kilos de grossesse et d'opérations qui s'accumulent.

Je me sens terriblement hors de moi.

Tout le monde veut passer à autre chose, personne ne m'en parle. J'ai subit une hystérectomie. A 33 ans. Personne ne veut le dire. Je n'ai plus de nouvelles de personne. Je suis dans mon lit. Dans mon canapé à attendre que le temps passe. A attendre que la cicatrice se ferme. Seul souvenir de mes enfants en moi.

J'attends toute la journée. De voir 30 minutes ma fille qui rentre de la crèche. Et qui dort juste après. J'attends de voir mon fils, fatigué, qui mange et va se coucher. J'attends les câlins de mon mari, qui rentre, mange et dort.

Je ne vis que pour les apercevoir.

Et je ne sais même pas s'ils me voient. Je perds de ma fantaisie chaque jour qui passe. 

J'ai perdu plus qu'un utérus. J'ai perdu des mois avec mon bébé. J'ai perdu l'espoir. Et parfois je n'ai plus de courage. Je le sens terriblement seule face à tout ça. 

Je crois que je suis seule.

Il y a peut être des voyages tellement difficiles qu'on ne peut les faire que seul. Personne ne monte sur mon voilier, personne ne peut. Je ne sais pas comment je vais faire pour naviguer dans les eaux infinies de l'océan. Je ne sais pas quelle direction prendre. Je ne sais pas combien de temps je vais partir. Je crois que je vais changer de cap. Prendre le large. Et apprendre à métamorphoser cette douleur. Quelque part. Personne ne le verra. Leurs vies continueront.

Il y a peut-être des voyages tellement difficiles que l'on ne peut naviguer qu'en solitaire. 

 

30 septembre 2017

L'endroit d'où l'on vient

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Chapitre 13: Je viens de là

 

 

Ce soir, il fait gris, mes hommes sont partis. J'ai envie d'écrire. Mais j'ai cette impression folle que j'ai trop de choses. Que je ne verrai jamais la fin du passé. Que j'entendrai toujours les mauvais mots dans ma tête. Que je voudrai partir. Respirer. Revenir d'ou je viens. 

Mais je ne peux pas. Je ne peux pas me retrouver dans les bras de ma mère. Doux et rassurants. Ils n'ont existé que dans ma tête.  Je ne peux pas me retrouver dans les bras de mon père. Forts et accueillants. Ils n'ont existé que dans ma tête. 

Tous les sentiments d'amour je les ai créés dans ma tête. Je les ai modelé comme je pensais qu'ils devaient être. Mais on ne me les a pas montrés. J'aimerai retourner sur un sol, sur une tombe. Pouvoir me recueillir. Dans une bulle qui me réconforterai. Qui me dirait - Tu as fait ce que tu as pu. -Tu fais bien. -  Tu as du courage.

Je n'arrive pas à me dire que je suis là. A cacher à tout le monde ce que je suis. Une fille de personne. Une fille qui a eu tellement d'imagination, qu'elle a tout refait, elle a pensé à des valeurs. J'ai tellement réfléchi. Refléchi. Je suis un masque.

Blanc.

Je me rappelle de toi, maman, odieuse, méprisante, égoiste. Je te déteste pour ça. Je me rappelle de toi maman, me dénigrer. Je me rappelle de toi regarder mon corps et te moquer de mon ventre. De toi me dire ce rouge à lèvres te rend dure. - Mais je suis dure. Que les chaussons rigolos que mon mari m'a offert sont moches. Peut être. mais ils ont un sens. Un sens pour moi. De jolis licornes. Pleines de rêves et  d'arc en ciel. Ce symbole ce n'est pas n'importe quoi. Ce n'est pas moche. C'est beau. C'est beau. A toi de me dire -c'est bien que tu aies des kilos en trop, tu ressembles à une femme au moins. -bon moi je suis plus mince évidemment. - Tu es un peu bouffie.- Et moi je séduis des hommes.

Moi je ne séduis personne.

J'ai jamais réussi à séduire personne. Je suis toujours restée moi même. Une fille qui passe. Avec ses idées. Ses arguments. Alors c'est vrai je ne suis pas LA femme. Je suis parfois un peu à part. J'aime les pantalons, j'aime les baskets, j'aime les choses bizarres. Je ne suis pas celle que tu es. Les jupes courtes. Les trucs de femmes séductrices. Je n'ai jamais voulu être un appât. J'étais déjà le tien. Je revois ton rire quand un jour on a cru que l'on était soeur. Et le gout de vomi dans la bouche.

Et la phrase qui a détruit pour toujours notre relation. - toi tu n'as jamais été trahie. C'est pire que ton viol.

Apres cette phrase, je crois que tout s'est vidé en moi, pour toi. Je ne t'aime plus comme avant. J'ai compris que je n'avais que de valeurs de te servir de comparatif. J'ai su que je ne ferai plus rien pour toi. Que je ferai semblant. 

J'aimerai avoir une racine quelque part. Elle n'est pas avec toi. Elle n'est pas avec lui. Puis je devenir une personne bien, sans racine? J'ai contruis ma famille. Et ca je te le mets devant ta gueule tous les jours. Et je crois que tu es jalouse. Jalouse.

Mes hommes sont rentrés. Je le regarde. Je respire. Je pense à nos vacances à la mer. Je pense à la mer.

Vos odeurs ensablées. Vos corps qui courent sur la plage. Vos yeux qui brillent. Le soleil sur mon visage. Ma mélancolie qui s'enfuit à chaque vague. Le vent. Le vent. Les dunes. Les coquillages qui craquent sous mes pieds. Mes angoisses s'en vont. Mon passé se noie. Pour me laisser rêver. 

Je ne viens pas de ma famille de naissance. Je viens du seul endroit qui nous appartient, et qui efface les larmes. Je viens de la mer. De la mer avec eux. D'un no man's land. Du zéro. Je viens de là.

 

 

27 septembre 2017

Toxique

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Chapitre 12: Mélancolie et fierté

 

 

Ce chapitre est un chapitre difficile à écrire pour une femme comme moi, pour une mère que je suis devenue. Une femme triste parfois, et femme heureuse souvent. Mais avec ses failles. Des failles que je dois en partie à une enfance compliquée, toxique. Je ne dis pas que tous tes malheurs sont liés à tes parents. Me concernant c'est le cas. Je crois que cela a fait de moi pendant des années un pantin, une poupée de chiffon. Une marionnette. Qui ne connaissait pas sa propre voix. Son propre texte. Je me suis retrouvée vide de sens. A suivre des règles ridicules. Une famille absurde. A devenir la mère de mon frère. A devenir la victime du type violeur. Séducteur. J'ai effacé qui j'étais pendant 20 ans. Et parfois j'ai encore besoin d'aide médicale, pour ne pas céder à mes vieilles habitudes. De plier. De souffrir car c'est mon travail de fille.

A t on un travail, un rôle de fille? 

Quel parent ose demander à son enfant autre chose que vivre sa propre vie? 

Mon rôle ce n'est plus un secret c'était d'être la bonne fille. Je devais être ce que l'on attendais de moi. Avec des messages parfois contradictoires. Avec cela, j'ai developpé des compréhensions implicites extraordinaires. Quand c'est le cas, vous oubliez vos besoins. Vous passez votre temps à analyser les besoins non tacites de l'autre. Ma mère est une professionnelle de l'implicite. Mais pas de celui que tout le monde comprend. Celui que seule moi peut comprendre. Aucune phrase de l'extérieur ne peut-être interprétée autrement. Elle sait que seule moi peut comprendre. Le double sens. Le secret de ce deuxieme langage. Ce langage de merde. Un langage qui a créé en moi comme un second surmoi. Ou plutôt elle avait anéanti mon surmoi. Mon surmoi c'était elle. Je l'entendais dire oui. Non. A ma place. Sans qu'elle ouvre la bouche. Son regard, son souffle suffisaient à ce que je comprenne que je me trompais. Que je l'avais trahie. Je ne pouvais pas acheter de vêtements féminins, ou du style que je souhaitais sans entendre -tu as encore dépensé de l'argent- -moi je ne peux pas- -tu me fais du mal - -tu voulais me faire du mal en fait- -alors que moi je suis là comme ça à m'occuper de vous-. Et là c'était le silence. Elle ne me parlait plus pendant des jours. Pour un collier. Un mot. N'importe quoi. Ce qui l'arrangeait. Ce système fonctionne avec absolument tout. Tout. Sa voix était ancrée dans ma tête. Plus besoin de dire. J'entendais.   

Je ne pourrais jamais comprendre comment une maman peut se rendre aussi toxique pour ses enfants. Je me fous de son enfance. Franchement je me fous de son enfance. On peut travailler et braver toutes les épreuves pour ses enfants. On peut choisir. D'être victime. D'être bourreau. Elle se croit victime. Mais elle est bourreau. Et je trouve toujours cela intéressant, de voir des gens se plaindrent et faire tant de mal aux autres. Je crois profondément que l'on peut vivre avec ses blessures. On peut. Et je suis aussi très claire sur mes propos concernant les enfants. On doit être adulte pour savoir élever un enfant. Pas pour l'élever correctement ou parfaitement. C'est utopique et puis malsain. Mais pour les aider à grandir, les aider à comprendre qui ils sont. Leur montrer les différentes voies qui existent. Mais écouter la leur. Ne pas les briser. Explicitement. Ou implicitement. Savoir être l'adulte et non pas l'enfant , la femme trompée, trahie ou autre. Je suis désolée, je pourrais pas comprendre qu'avec l'amour pour ses enfants on ne puisse pas faire autre chose que les rendre coupable d'un mariage raté. Ptet tu as jamais connu l'amour. Mais tu sais je m'en fous. Un mari ce n'est pas sa fille. Je ne suis pas coupable de ce que tu as choisi.

Je ne n'ai pas accepté d'avoir un fils, avec la peur qu'il ait le sida. Avec un mari en pleurs car il avait peur de l'avoir dans ses rencontres fugaces.  

Je ne suis pas restée avec un homme sexuellement dérangé.

Je ne suis restée avec un homme qui faisait du mal à mes enfants. Qui ne m'aimait pas. 

Je n'ai pas accepté qu'il soit douteux avec sa fille. Moqueur. Son rire.

Je n'ai pas voulu être complice avec lui. 

Tu as été complice avec lui. Tu as choisis. Ce n'est pas ça être une victime. Tu as voulu rester avec lui. Alors tu peux me dire, ton frère et toi - vous vouliez que je reste à la maison. Tu peux me le dire dans les yeux. Et comme d'habitude je te répondrais que j'étais une enfant. Et que je ne voulais pas rester seule avec lui. Que je voulais que vous soyez adultes. Que vous parliez sans nous. De vos problèmes. Il n'y avait pas d'amour entre ces deux personnes, tour à tour mes bourreaux. Je ne pouvais rien faire contre cela. Ils s'étaient trouvés là dessus. On peut sacrifier les enfants à l'intérieur de la maison. Et faire semblant à l'extérieur. Je dois vous reconnaitre ce talent. Bravo. Ce n'est pas donné à tout le monde d'être tellement malsains. Vous avez réussi ça. A le cacher 33 ans. 

Le jour de la naissance de mon fils, un jour merveilleux ensoleillé. Ils sont venus séparément. Ils m'ont volé le moment et la vedette. Je voulais que mon fils soit un petit miracle dans un tunnel tout noir. Et ils ont choisi ce jour pour montrer leur séparation. Ce jour là. Et à lui de me rajouter - les bébés ça sert à rien.

Ce bébé là il sert pas à rien. Ce bébé ne te connaitra pas. Je me battrai pour qu'il ne t'approche jamais. Mais je ne lui cacherai rien. Aucun secret. Aucun langage implicite. Rien de flou. Que des mots clairs et transparents.

Face à elle, je ne la laisse pas avoir de l'emprise sur lui. Elle a essayé. Mais il est très fort. Il a tout de suite compris son jeu. Et il lui répond, il ne se laisse pas faire. Mon psychiatre m'a dit votre fils est équilibré, il ne tombera pas dans son jeu, quitte à ce qu'il y ait rupture. Rassurez vous.

C'est une phrase que je me répète souvent. Avec mélancolie et fierté.  Il est heureux et équilibré. Mon fils. Je me débats avec le noir pour lui. Pour être la mère que je souhaite être. Présente, avec des valeurs morales, mais pas immuables. Le monde change, les idées aussi heureusement.  Il faut suivre ce monde et s'adapter à lui, et savoir être à ses cotés. Lui donner les clés de sa vie. La sienne. Et je serai toujours immensément fière d'être sa maman et d'avoir participé à sa vie. De lui avoir donné le crayon pour commencer à écrire son récit.

Avec mélancolie et fierté, je vous enterre mes chers parents. Vous avez réussi à la naissance de mon fils à me blesser une ultime fois. Ce fut la dernière. Je pose une fleur sur la tombe de mon passé avec vous. Je prie. Et je vous laisse à vos tourments. Je ne vous souhaite pas de mal. Je vous souhaite au fond de trouver une sorte de paix. Loin de moi. 

Je respire à la fenêtre l'air humide du brouillard d'automne. Je pleure. Je ressens le passé. Et je respire l'avenir. Entre mélancolie et fierté.  

 

 

24 septembre 2017

Adieu tristesse, ou presque.

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Chapitre 11: Ton bébé

Apres la croix bleue, il y a eu des peurs de la même couleur.

J'ai saigné, les pompiers, ce service affreux d'urgence. Le retour du service du passé. Les souvenirs. La perte. J'avais tellement peur, que tu partes toi aussi.

Et un nouvel interne. A nouveau ces mots. Si ca pisse comme un robinet revenez. Vous êtes peut être en train de perdre la grossesse. Deux jours à saigner. A pleurer. A angoisser. Mais j'avais rendez vous le lundi avec le dr C.

Je suis arrivée en lui disant aussi vite que possible, comme si la vitesse de ma diction allait faire battre le coeur de mon ventre -Je suis enceinte. Mais je saigne. Là bas ils m'ont dit que c'était surement fichu. Mais c'est mon coeur qui battait vite. Tellement. Je ne voulais pas revivre la mort dans mon ventre. Pas encore. Pas encore. S'il vous plait. 

-Passez à coté. Pas d'affolement. 

Et je suis passée à coté. En pleurs. En transpiration. En émotions. Rouge. Les cheveux défaits. La mine crispée. La main dans celle de mon mari. Son matériel n'avait rien à voir avec ceux de l'hôpital de mes cauchemars, ils ne faisaient pas peur. Et il était calme, lui ne paniquait pas. Il ne me faisait pas mal.

Et l'image dont j'avais peur, l'image de la réponse, l'image de l'intérieur est apparue. Mon ventre. En noir et blanc. - voyez vous ce point? Intermittent?

Ce point? Ce petit truc qui clignote? Ce pointillé?

-c'est le coeur. Il bat. Tout va bien. Juste un hématome qui a du s'écouler. Rassurez vous. Rien à voir avec la dernière fois.

Qu'est ce que j'ai été heureuse. Heureuse. Heureuse. Que tu sois vivant. Et je me suis promis d'être la meilleure mère possible. En tout cas, de te protéger. Contre tout ce qui te ferait du mal. Rien ne compterai plus dans ma vie que de veiller sur toi. Comme une ombre bienveillante. Juste derrière toi. Pour dénouer les liens. Frapper. Écraser. Crier. Pour t'ouvrir la voie. La tienne. Mon petit Amour.

Te garder dans mon ventre a été bien difficile, j'ai eu des contractions trop tôt. Et j'ai été hospitalisée, alitée. Je ne pouvais plus bouger pour te garder, que tu puisses respirer. J'ai tout enduré. Les traitements contraignants, les douleurs, les peurs, la solitude, l'inconnu. Mais cet inconnu m'a donné la plus grande joie lors de tes 8mois dans mon ventre. Tu es né. Je te tenais. Mon petit bonhomme. Tout petit. 

Ton papa était là. Il était comme absorbé par toi. Il t'aimait déjà comme si le monde n'existait plus. N'avait jamais existé. Il n'était plus qu'un papa. Il avait trouvé le rôle de sa vie. Il a été pris tout entier. Tu as été sur sa peau, chaude, et aimante. Il ne pouvait plus te lâcher. Il faut que tu saches que ton papa a voulu tout faire, tout apprendre. Il t'a changé ta première couche. Il t'a donné ton premier bain. Il ne te donnait que lorsque tu prenais le sein. Il était dans votre monde. Il s'est levé chaque nuit, pour te sentir, pour te regarder, pour te changer, pour apprécier la beauté d'un petit être vivant sous notre toit. Il t'a aimé sans te connaitre. Et il t'a aimé davantage lorsque tu es devenu toi. Notre petit garçon. Il est fier de toi. Il t'a amené chez le pédiatre lorsque tu étais un bébé reflux. Il t'a caliné. Il t'a défendu. Il t'a pavané. Il t'a porté au creux de ses bras toutes les nuits pendant 5mois. Il t'a embrassé les petites joues rouges. Il t'a donné à manger. Il a nagé avec toi pour la première fois, alors que tu n'étais qu'un petit bébé. Il va travailler pour te donner tous les jours le meilleur. Que tu sois beau, propre. Avec de belles valeurs. 

Aujourd'hui il fait beau. C'est l'automne. Vous tondez tous les deux la pelouse. Toi avec le petit modele plastique. Et tu es heureux. Et lui aussi. Vous êtes dans votre monde à vous. Celui d'un papa et d'un petit garçon. Un monde d'amour. Et rempli de questions. De papa. Papa. Papa. Vos cheveux brillent au soleil. Votre blond foncé. Vos yeux noirs. Vous êtes beaux. Vous vous aimez. Et vous regarder, me rend la plus heureuse des femmes.

Tu vois mon amour,  j'ai pu te l'offrir. - Ton bébé.

   

 

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22 septembre 2017

Lettre à mon ravisseur

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Chapitre 10: Un grand mirage

 

Je suis désolée de faire un petit chapitre hors chronologie. Mais ce matin, en écoutant une magnifique chanson, triste, évidemment, j'ai eu une larme. De ces larmes qui ont une importance. Je me sens triste. Une tristesse sans nom apparent. Triste à m'asseoir dans la salle de bain. A crier dans mon oreiller.

Je me suis mise à penser, suis je seule? Et si je l'étais? Et si nous l'étions tous? Ou seulement moi? Avec mes souffrances. A me transcender par amour, à me dépasser au nom de celui ci. Et si j'étais seule à me surpasser par amour?

Et si l'amour emportait tout chez moi? Et si c'était une erreur?

Et si à quatre vingt ans, je me retrouvais dans mon lit avec toutes mes ombres?

Et si elles étaient déjà là autour de moi? Ces ombres. A attendre ma nuit, à attendre que je flanche pour me dévorer.

Et puis j'ai les images de mon enfance affreuse. Elles me reviennent. Et je me tords. Je me tords car je ne connais aucune nostalgie de l'enfance. Je ne serai jamais à l'aise lorsque les trentenaires aiment à se rappeler les bons moments. Les vacances en famille. La joie de l'innocence et des prés fleuris. La liberté de courir et d'en être heureux. D'avoir fait des bêtises. Et d'en rire. Je serai seule. Je n'ai aucun bon souvenir. Je ne peux plus regarder les fausses photos. Car je sais ce que je ressentais derrière le sourire. La haine. L'angoisse. La frustration. Je n'ai pas de madeleine de proust, je n'ai pas à quoi m'accrocher dans le passé. Je le revois. Sa peau mate. Ses sourcils noirs. Et il me fait peur. Il est violent. Et pervers. Et je le sais.

Je l'ai toujours su. Mais j'ai voulu me transcender par amour. J'ai voulu dépasser mes propres torpitudes et lui offrir de l'amour. Qui connait aujourd'hui la valeur de ce cadeau? Car c'était pour moi un travail de tous les jours, le geste le plus noble que je pouvais lui donner. Quand j'ai compris que lui s'en fichait, j'ai continué. Car je suis persevérante. Et que je suis amour. Je pense qu'il peut soulager. Aider. Apaiser. Tout apaiser. Même le pire des connards.

Je le revois. A la plage, ce jour là, en train de regarder des filles jeunes -avec de jolis corps-, les gars d'à coté se sont même moqués de lui car il était pas discret. Et je réentends son rire. Et son regard sur moi. Sur mon corps. De 12 ans. Avec ses imperfections. Mon ventre. Mes seins. Et je me sentais horrible. Je voulais me cacher. De ses yeux noirs.

Je le revois. M'emmener à la pharmacie pour acheter du doliprane car j'avais mal à la tête. Et acheter des préservatifs. Dans un petit sac qui faisait du bruit. Et le cacher. Sous son oreiller. Dans une studio de vacances où nous dormions tous dans la même pièce. Et faire son petit jeu à ma mère toute la soirée. Avec le plan derrière. Sans se soucier des enfants. De notre intimité à nous.

Je le revois à la montagne. Le matin. En érection aller aux toilettes. Et me croiser fièrement. 

Et me boucher les oreilles. En espérant que le silence allait se faire.

Je le revois. Venir ouvrir la porte un jour que j'avais fini plus tot, que j'avais de la fièvre, en caleçon. Sans explication, c'est normal. D'ouvrir à sa fille de 15 ans nu en pleine journée. Et ma mère qui ne disait jamais rien de ça. Qui laissait tout ça se faire. 

À cet homme, mon père -même si je déteste ce terme-, je lui ai offert de l'amour. Celui d'une fille. Qui pensait qu'en innondant une personne d'un tel sentiment on pouvait le guérir. Voir en recevoir à mon tour. Même si ses mains me dégoutent toujours. Je les revois aussi. Je ne sais pourquoi mais j'ai envie de vomir encore et encore lorsque j'y pense. 

J'ai dépassé mon dégoût pour lui. En essayant, à me rendre folle, de l'aimer, de le protéger, de l'aider à comprendre qu'il se trompait. Mais je ne suis pas un zoloft. Je ne suis pas un alprazolam. Je ne peux pas tout guérir. Pas les pervers. Pas les pères dégoutants et tordus. Pas la noirceur de leurs yeux et leurs âmes. Quand je le revois et que j'ai envie de vomir, j'imagine toujours qu'il sera noir. Mon vomi. Noir pétrole, gluant. Sans odeur. Car le mal n'a pas d´odeur, ni de visage. Mais ce que je sais c'est qu'il a une couleur. Une couleur noire.

Alors je n'ai pas changé, je pense toujours qu'il n'y a rien de mieux que l'amour. Qu'il n'y a que ça comme cadeau à attendre sous un sapin. Qu'il prenne la forme d'un petit ou d'un grand paquet, l'ouvrir et recevoir ce sentiment que l'autre nous aime. Dit autour d'un ruban ou d'une carte. On devrait tous recevoir ce présent.

Tous sauf toi. Je ne pourrai plus jamais t'aimer. Comme moi je l'entends. Aimer à me surpasser. Tu as été mon ravisseur. Tu m'as refusé une enfance heureuse. Tu n'es pour moi qu'une personne vivante sur terre. Tu seras surement la seule pour qui je ne ferai rien même si tu souffres. Je ne viendrai pas te voir pour te pardonner. Je ne te donnerai jamais, ni à elle, l'extreme onction. Je me pardonne de te dire ça. 

Je n'ai aucune honte de te le dire. Je ne serai pas là pour toi, si tu meurs lentement. Je serai plus jamais là. Mon amour de fille je le garde. Dans un petit coffre au fond de moi. À clef. L'amour est trop précieux. Au nom de lui, je t'ai laissé me faire trop de mal. Alors je te dis, je suis triste parfois. Triste d'avoir travaillé pour un grand mirage.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

17 septembre 2017

Chapitre 9: Infertilité Je profite de cet article

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Chapitre 9: Infertilité

 

 

Je profite de cet article pour remercier infiniment mon médecin traitant, il a toujours été là pour moi. Aujourd'hui sans lui, je ne serai pas là.

Dans les moments difficiles, il m'a écoutée. Il ne m'a jamais jugée. Il a juste fait ce dont j'avais besoin. Alors il n'a pas toujours été parfait, car quand on s'attache à un patient on s'affole, on doute plus que pour d'autres. Je connais ça. Mais j'ai l'impression que c'est une bonne chose, car c'est le seul à qui j'oserai tout dire. Je n'ai aucune honte. Quand je suis face à lui je me sens juste moi, heureuse ou malheureuse. Sans artifice. Et ça me fait du bien. Et mal à la fois. Se regarder dans son regard. Il remplace pour moi les conseils d'un père. Je peux pleurer, rire ou le taquiner. Alors merci Dr L.

C'est aussi lui qui m'a annoncé que je ne pourrai plus avoir de bébés.

La prise de sang était mauvaise. Il m'a aiguillé vers un grand spécialiste du Chr. Un professeur. Et le constat en trois minutes a été fait. Il y avait des synéchies. Dues à l'aspiration surement un peu trop appuyée du curetage. Ces synéchies bloquaient. Pour lui, je n'aurai jamais d'enfants de manière naturelle. Il fallait demander l'avis d'un chirurgien après des examens plus approfondis. Mais - n'ayez pas trop d'espoirs, pour moi vous ne pourrez pas avoir d'enfants.

-Au revoir, bon courage madame. 

Je voulais me battre. Etre certaine. Je voulais faire les examens. L'hystérosalpingographie. L'échographie etc. J'ai pris rendez vous dans un cabinet de radiologie. J'ai été très mal accueillie. Et la bonne femme incompétente m'a arrachée de la muqueuse de la trompe. -Vous n'allez pas chouiner en plus. Je me suis étendue dans la salle d'attente. J'avais mal. Et j'ai appelé mon mari. Il est venu me chercher. Et les clichés des synéchies. Je n'ai rien à ajouter. Je ne crois pas que ce soit de la malchance, je crois que le milieu médical est profondément malade. Nous ne sommes plus rien pour certain. J'ai fait de mauvaises rencontres qui ne méritent pas le nom de docteur. D'autres qui m'ont offert bien davantage.  Mais cette radiologue devrait rester devant ses radios. Et ne parler et toucher personne. Il n'y a pas de honte à être incapable, être médecin ce n'est pas se prendre pour Dieu, ce n'est pas être Dieu, mais l'on peut s'approcher du diable quand on ne connait plus les limites.

Et voilà ma rencontre avec le chirurgien, le dr C. Il a regardé les clichés et m'a dit, il n'y a pas de soucis on va les enlever, et tout ira bien. On se revoit pour l'intervention. Je revois son bureau, ses yeux, bienveillants, rassurants. Ma peine s'est soulagée. J'ai eu l'espoir. Que finalement on y arrive.

Tout ce temps, personne ne nous a soutenu. Ah cette foutue nature, elle est sensée faire bien de choses. Mais moi la nature ne m'a fait aucun cadeau. Je me suis battue pour vivre, et pour avoir ce que j'ai. Je n'ai pas confiance en elle. Laisser faire la nature c'est du suicide me concernant.

L'opération s'est mal déroulée. Il a perforé mon utérus.

Mon mari qui fait un malaise, mon frère qui pleure, ma mère qui hurle.

Je ne voulais plus jamais voir le Dr C. Et pourtant, je l'ai fait un mois après. Avec mon mari. Qui fut le seul à me soutenir. J'avais peur, j'avais de la colère. J'avais peur de ce qu'il allait me dire. - Je suis désolé, c'est la première fois que je perfore, je ne comprends pas. Mais on va regarder. Je peux vous aider. Et là j'ai eu confiance. Dans l'homme. Rien de rationnel.

Et il a fait un examen, et il m'a dit il y a assez de place pour un bébé. -Pourquoi voulaient ils que j'enlève ses synéchies?  Et là, j'avais de la rage. D'avoir traversé toute cette merde pour entendre que mécaniquement mon ventre avait la place. La place pour un bébé. J'étais si heureuse. Heureuse. Et il m'a donné un traitement, testé mon mari sur sa fertilité ( car oui, personne ne l'avait fait, l'infertilité c'est forcément la femme.) et m'a donné un rendez vous un mois après pour en reparler.

C'était au mois d'aout.  On avait acheté une maison. On la retapait de A à Z.

Il faisait chaud.

Tous nos proches étaient en vacances. 

Mon mari est revenu de son test. Et le lendemain, une croix est apparue. Une croix bleue. Seule dans ses toilettes. Je la voyais. La croix bleue. Le dr C avait raison, ca pouvait marcher. La croix était là. J'ai téléphoné à mon mari qui travaillait dans notre nouvelle maison. Je lui ai dit - si ca fait une croix qu'est ce que cela signifie? 

- Tu es enceinte. 

Ca y est, il me l'a dit. Je suis enceinte pour de vrai. Je ne suis plus porteuse du mot le plus affreux en tant que femme, l'infertilité.

  

15 septembre 2017

Chapitre 8: La perte Mon mari et moi avons vécu

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Chapitre 8: La perte

 

Mon mari et moi avons vécu de merveilleux moments dans notre petit appartement.

 On y a fait la fête, on y a fait l'amour, on y a construit notre vie. J'ai aimé notre liberté. Les Smarties dans le parc les soirs chauds d'été. Notre petit cochon d'inde. Les 6 étages sans ascenseur. Les copains. Les balades en ville. Les petits restos pas chers. Nos fous rires. Toi qui travaille dans le bureau de la chambre et la lumière qui m'empêchait de dormir. Ta réussite à l'école d'ingénieur. Mes larmes lorsque tu as reçu ta médaille car tu étais l'un des meilleurs de ta promo. Ma fierté d'être avec un homme si intelligent. Moi qui vient de rien. Tu étais si beau dans ton uniforme à faire tes pas militaires. Car pour toi c'était juste des pas. Pour moi, c'était l'émotion de te voir si important, magnifique, dans ton milieu, là où tu passais tes journées et parfois un peu de nos nuits. Je t'aimais pour tout ce qu'il avait dans ta tête. Moi je n'ai pas la moitié des pensées que tu as. Je suis pas aussi brillante, je n'ai rien de comparable. Encore aujourd'hui je t'admire pour ce que tu arrives à faire. Tu comprends tellement de choses. Tu comprends la physique de notre monde, tu comprends la politique, tu comprends les gens, tu as des idées sur tout, tu sais argumenter sur tout, tu connais la musique, la poésie, tu sais pleurer. Je suis tellement fière que tu sois là avec moi. Pour argumenter la vie.

Ce petit appartement c'est aussi le moment où mon frère a pu commencer à s'échapper aussi. Il pouvait venir quand il voulait. Et rien ne change aujourd'hui, il vient quand il veut chez moi. A jamais. Ma maison sera toujours son refuge si il en besoin. A cet instant, il en avait besoin. Il a fait la fête avec moi, mes amis, on est sorti, on a ri, on a joué à la console. Je le conduisais au lycée, allait le chercher...on écoutait Rmc, on riait beaucoup. On mangeait des frites et du filet américain.

J'ai aussi appris à connaitre ma belle soeur, qui habitait pas loin, j'ai vu au delà de sa froideur initiale, une femme forte, avec son lot de souffrances, avec laquelle j'ai vécu des choses intenses que je n'oublierai jamais. Notre voyage en Pologne, Auschwitz, le froid glacial, la neige, toi qui voulait boire de l'eau pas potable. Je te connais bien aujourd'hui. Je t'ai vu au fond du trou. J'ai été là pour toi. Et je ne le regrette pas.

Dans cet appartement, j'ai fêté mes fiançailles.

Dans cet appartement, j'ai vécu des moments heureux. Très heureux. Et je suis toujours émue lorsqu'ils nous arrivent de passer devant.

Et puis mon mari a trouvé un travail, et moi j'ai recommencé des études. Des études médicales, pour aider. Pour aider les personnes en fin de vie. Nous avons déménagé dans un petite maison de campagne. Et je ressens encore au fond de moi la sérénité de cet endroit. Mon mari travaillait dur au départ et était souvent parti en déplacement. Avec les études et les stages, finalement j'étais épuisée le soir, même si je n'aimais pas qu'il soit loin, le temps se passait avec nos projets. Il m'a beaucoup soutenue. Car personne ne m'a soutenue. J'avais fait de grandes études pour ...changer des couches !? De vieux en plus! Oui, j'ai fait des études et je ne les regrette en rien. Mais ma place est avec les personnes qui vont mourir.  Ce n'est ni dégradant, ni humiliant, ni reconnu. Je ne suis qu'une blouse blanche. 

J'ai été soutenu par toi mon mari,qui reconnait mon travail. Je suis fière à travers toi. Et je brandirai ma blouse comme un étendard devant le ciel en signe de victoire. J'ai gagné. Je me fous d'avoir déçu mes parents ou les autres. J'ai trouvé ma place, à coté de la mort. 

On s'est marié. Tu étais beau. Mais au fond de moi, je savais déjà que c'était pour la vie. 

Lors de notre mariage, je savais que j'étais enceinte. Enceinte de jumeaux.

Les premières échographies étaient compliquées car je n'avais pas de règles, impossible de connaitre la date de conception. De savoir si la taille des petits sacs étaient normaux. Mais on m'a rassuré. On va attendre pour entendre le coeur.

Le médecin m'a dit allez à l'hôpital ils feront un véritable bilan. Mon dieu. Cette salle d'attente. Glauque. avec du personnel qui passe et vous ignore. Et je suis entrée dans cette salle affreuse. On aurait voulu me torturer, il n'y avait pas meilleur endroit. Un vieux fauteuil au cuir défoncé, les étriers des années quarante. Déshabillez vous. Là comme ça. Sans préambule. Sans pudeur. Et je l'ai fait.

Pour eux.

C'était un interne qui ne savait pas faire d'échographie, tu sais l'endovaginale. Le mec il te prend juste pour un saladier et il fait son omelette. J'ai pleuré. Il a appelé l'interne responsable. Une jeune femme rousse, très belle. Qui a regardé et m'a dit les sacs sont normaux revenez dans quinze jours, si les coeurs battent pas, il faudra interrompre la grossesse, et si vous pissez du sang comme un robinet venez en urgence.

Je vous ai parlé mes bébés. Je vous ai dit de vous accrocher. Que maman allait être là.

Et je suis revenue, et vos coeurs ne battaient pas. Je vous ai regardé. Pitié. Pitié. Battez. Battez. Ne me laissez pas. Mais le verdict était terminé. A huit semaines, on m'a dit c'est fini. Il n'y a plus rien.

J'ai pleuré. Comme jamais.

La belle rousse m'a prescrit du cytotec. Elle m'a dit ca va partir tout seul, mais ca va être violent. Prévoyez de quoi éponger le sang et les caillots, vous verrez les petits embryons partir, et après ca sera fini, on se reverra pour voir si tout est parti.    

J'ai pleuré. Comme jamais.

Et le cytotec n'a rien fait. Le cytotec n'a rien fait. Ils s'accrochaient à moi mes bébés morts. Je portais la mort dans mon ventre et elle ne voulait pas partir. J'ai appelé l'hôpital ils m'ont dit reprenez du cytotec. Cela a duré douze jours. Où j'attendais qu'ils partent. Et rien n'est parti. Ils restaient avec leur maman, dans un ventre pas capable de les protéger.

J'ai du revenir voir la belle rousse. Ou elle m'a dit étonnée, en effet, rien ´est parti. Et ce fut votre dernière photo. Elle m'a dit c'est un curetage.

On va aspirer. 

Comment on peut dire ça à une maman en pleurs? J'ai cru que j'allais mourir de chagrin. Aspirer mes bébés. Non. Non. C'est pas possible.

Elle est partie, elle m'a dit promis -on fait ça vite maintenant. Allez faire les prises de sang.

Je me suis effondrée dans le couloir. Plus de force. Que des larmes. Et j'ai été traitée comme une merde par des infirmières blasées à la con. M'enfin pourquoi vous pleurez comme ca, faut vous calmer. Pourquoi vous mettre dans des états pareils? Et rien n'est sorti, je me rappelle juste que ma mère a fait un scandale. Car je ne me tenais plus et que j'étais devenu un bout de viande qu'il fallait piquer. Une des deux m'a dit, oui enfin c'est vous le curetage? La porte ouverte, devant toutes les personnes de la salle d'attente. Et tous les yeux m'ont regardé. Elle va faire un curetage. Ce à quoi elle a rajouté- ça arrive tous les jours.

Mais ta gueule. Juste ta gueule. Bien sur ca arrive tous les jours. Tous les jours il y a aussi des bombes anti personnelles qui estropient des enfants. Des pédophiles qui touchent des enfants. Des gens qui meurent du cancer ou d'un accident de voiture. Tous les jours il se passe des choses. Mais là c'est ma chose. Mes bébés qui vont être aspirés. Alors ravale tes vieilles phrases nulles. Je m'en fous que tu fasses ça tous les jours. Aujourd'hui c'est mon jour. 

Alors j'ai subi le curetage. Au réveil j'étais dans une chambre de naissance. Avec le berceau. Les petites couches. J'ai cru que mon coeur allait exploser. Non je venais pas pour déposer les petites têtes délicates de mes bébés, je venais les laisser dans un sac d'hôpital.  

Je hais cet hôpital. Ce service inhumain.

A la sortie j'ai eu un petit prospectus sur les suites normales du curetage.

Ils ne parlent pas du coeur mort et séché. De mon ventre vide. Vide. Vide. Vide. Vide. De n'avoir aucun souvenir d'eux.  Je suis restée allongée à pleurer sur le carrelage des heures. Plusieurs jours. J'étais à nouveau un automate la journée. Et le soir un corps exsangue sur le carrelage de la cuisine.

J'ai tout entendu. L'inacceptable -ca arrive. L'insupportable - la prochaine fois sera la meilleure. Le vomitif-allez c'est fini, faut rebondir même si je comprends que se soit difficile. L'exaspérant - c'est comme ca, ils ne devaient pas vivre, c'est surement mieux ainsi. 

J'ai eu envie de tuer tous ces gens. A la phrase ultime -mais ce n'étaient pas des bébés, j'ai serré le poing si fort que mes doigts sont restés tétanisés des heures. Je ne veux pas parler de biologie, je m'en fous.

Moi je les ai vu dans une poussette, j'ai réflechi à leur chambre. C'étaient les plus beaux bébés de la terre. Et j'ai échoué. J'ai pas su les protéger. 

Mon ventre est maudit voilà ce que je me suis dit. Je suis une maman de merde. Je veux mourir.

Un soir, dans le noir, mon mari est rentré d'un déplacement. Et il m'a vu par terre. je pleurais sans pouvoir arrêter, j'ai hurlé dans ses bras. Ils me manquent. Ils me manquent. Et il m'a relevé. Et m'a aidé à aller jusque la chambre. Il a écouté mes pleurs, les cris. Tous ce que je pouvais dire, je veux qu'ils reviennent. Je veux à nouveaux avoir mon ventre empli d'eux.

Le temps passe, et jamais je ne les ai oubliés. Je les aimerai toujours. J'aurai été une maman médiocre mais aimante s'ils avaient été avec moi. J'aurai raté plein de trucs mais j'aurai fait de mon mieux. Je n'ai plus jamais été la même après.  

Apres leur perte.

 

 

 

 

12 septembre 2017

Chapitre 7: Partir Au centre d'aide, j'ai mis des

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Chapitre 7: Partir

 

Au centre d'aide, j'ai mis des mois à dire ce que je devais dire.  Je tournais en rond, et comme la plupart des choses que je vivais me semblaient normales, je ne savais pas comment sortir de cette torpeur. J'avais une boule dans la gorge, un truc qui bloquait. Un truc que je ne pouvais avaler. Mais que je ne pouvais cracher. Avec de la confiance et du temps, j'ai saisi que je vivais dans un carré rouge. Et ce carré était infranchissable pour moi. La ligne passée j'étais coupable. Alors cette ligne pouvait être avoir loupé le bus, avoir un pantalon déchiré, avoir une copine déplaisante et j'en passe. Cette ligne était immense et miniscule à la fois. Je vivais dans une petite boite étriquée qui pourtant était si haute qu'elle en était infinie. Mais pour moi cette boite, c'était normal. Et je ne pouvais pas vivre autrement. 

Cette boite était presque devenue rassurante.

Un jour, le psychologue a essayé de me dire que se passerait il si vous dépassiez cette ligne? Que se passerait il de si grave que vous ayiez peur de mourir, ou envie de mourir? Il se passerait que mes parents me creveraient. Pas au sens propre. Au figuré. Mais le figuré c'est pratique, c'est silencieux, c'est sans trace. Je ne serai plus ce que je dois etre, ce que je sais faire. Je vais les abandonner. Je vais les trahir. A cela il m'a répondu une des phrases de ma vie, une de celle que je pourrai faire graver sur mon coeur: ne pensez vous pas que dire merde à quelqu'un c'est aussi lui dire je t'aime?

Merci de m'avoir offert cette phrase.

L'entrevue s'est terminée ainsi. Et dans ma voiture. J'ai pleuré les larmes de mon corps. J'avais compris que j'allais devoir travailler dur. Qu'il fallait que je sorte de ma boite, que ce n'était pas interdit.  Dans cette même voiture, j'ai décidé pour la première fois que je parlerai de mon viol à quelqu'un d'extérieur.

Une semaine après, je me suis assise sur cette chaise au tissu gris. Je n'ai pas oté mon manteau. Et j'ai dit: Je dois vous avouer quelque chose. Et j'ai explosé. Tout. Et j'ai aussi compris que personne n'avait été là pour moi. Et il m'a dit au moins dix fois, calmement mais sans discontinuer, un des cadeaux les plus forts que l'on m'ait fait: Ce n'est pas de votre faute. Ce n'est pas de votre faute.

Et j'ai été soulagée, apaisée, triste et bouleversée. Et j'ai décidé d'en reparler à la maison. Je ne crois pas que j'aurais du le faire. Les mots sans mots, l'étonnement que des années après je prenne pour excuse un soucis réglé pour justifier les angoisses perturbant la maison, les fausses excuses, toute cette merde, n'a servi à rien. Ou peut être pas.  J'ai eu ce que je voulais, la preuve que c'était rien.

Mon travail fut acharné. Jamais je n'allais au centre sans la volonté tenace de me sortir de cette situation intenable qu'était la mienne. Sache qu'en partie à ce moment là je rejetais mon mari. Je n'arrivais pas à tout faire. A l'aimer, être là. Ce combat c'était le mien.

Ce combat c'est terminé 6 mois après. J'ai lutté contre leur emprise, qui disait que j'étais mentalement instable et incapable de prendre des décisions, que je le regretterai. 

Ce fut la meilleure décision de ma vie, faire confiance à mon mari, et partir vivre avec lui. Loin de moi la fin des problèmes mais le meilleur commencement pour découvrir qui je suis. J'ai arrêté de brillantes études de recherche. J'ai pris un petit boulot, afin de comprendre ce que je voulais. Juste pour l'anecdote, mes travaux de recherche, salués par l'ensemble de mon université, portaient sur l'étude des enfants silencieux. Ceux qui portent la souffrance des secrets familiaux. Ceux qui sont meurtris, invisibles à cause de fantômes du passé. Mais qui trainent leurs boulets dans toutes les pièces de la maison.

Nous ne choisissons pas nos fantômes, lorsqu´ils appartiennent aux autres. Et parfois la meilleure façon de les apprivoiser est de partir.  

11 septembre 2017

Chapitre 6: Brisée Je voulais commencer ce billet

 

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Chapitre 6: Brisée

 

Je voulais commencer ce billet en vous remerciant pour vos messages concernant le chapitre mon viol. Je savais que l'écrire serait compliqué. Pour moi et pour vous tous. N'ayez aucune colère, aujourd'hui la mienne est partie. Je me suis pardonnée. Car on ne pardonne que soi. On ne pardonne pas l'Autre. Battez vous pour garder votre corps. Ne le laissez à personne. Il est à vous.

 

Lorsque mon mari est entré dans ma vie, au départ tout s'est emballé. L'amour. Je n'étais plus seule.

Mais mon mari était un peu plus jeune, nous étions gosses finalement. Je lui ai dit toute suite que j'avais été violée. Et que j'avais un blocage. Que je ne pourrais pas avoir pas avoir de rapports avec lui avant d'être certaine qu'il était sérieux. Je me suis dit si il m'attend, c'est qu'il m'aime. 

Le temps passait. Et j'avais l'impression que je n'y arriverai pas. 

Alors je lui disais, avec les seuls mots que je pouvais sortir de ma bouche. Désolée, je peux pas. Excuse moi.

J'avais peur d'avoir mal, j'avais peur de revivre le viol avec lui devant moi. J'avais peur de pleurer. Peur de revoir le sang. Peur de me forcer. Peur qu'il ne me quitte après. Peur d'être abandonnée L'acte une fois terminé. Je te promets je ne voulais pas ça. 

Mon mari n'avait jamais eu de relation sexuelle avant moi. Je ne voulais pas lui gâcher ce moment. Celui que l'on m'avait pris. Celui où tout l'amour qui unit deux personnes est plein de tendresse, de caresses de jouissances et de bonheur. Ce moment doux où l'on sent le corps de l'autre. On n'a plus jamais envie de  partir de ce chaud et douillet cocon. On a plus envie que la merde de la vie nous aspire. On est avec notre Lego.

Des mois ont passé.

Et tu es parti avec tes amis en Espagne. 

Je me suis retrouvée chez mes parents, avec son lot de problèmes quotidiens. Sous l'emprise. Les repas criés, les menaces implicites et explicites, la violence sans bleu au corps. Avec un homme à la fois absent et omniprésent, un homme qui ne mérite pas vraiment son appellation, un pauvre type. Qui me dégoute. J'ai tant donné pour lui. Je me pliais en quatre, aux volontés, aux potentielles volontés, aux ordres, aux souhaits, à ce que je pensais être bien. 

Je remercierai toujours mon psychiatre de m'avoir appris qu'il n'y a rien de bien. Il n'y a rien de bien. On ne doit pas faire le bien. On fait ce que l'on veut et peut. On ne doit pas. Il y a juste un mal. Des choses douloureuses, légalement interdites et punissables. Merci à lui. Il m'a sauvée en m'apprenant cela. 

Mais à ce moment là, lui et moi ne nous connaissions pas.

À ce moment là, mon psychisme aussi battant qu'il soit n'y arrivait pas. Je rentrais dans le jeu de mes parents. Je rentrais dans leurs névroses. J'écoutais leurs histoires, leurs traumatismes, leurs disputes. Je n'étais ni une fille ni rien. Je n'avais pas de place si ce n'est celle de psychologue de comptoir ou de médiateur de couple. Il faut imaginer que je ne supportais plus les crises. Leurs disputes, explosives ou sous jacentes. Les repas tendus. Mon frère et moi ne pouvions rien faire, ni sortir, ni rire, ni faire quoi que se soit. Le repas n'était plus préparé.  Je ne le supportais tellement plus que j'essayais de les aider à se réconcilier. Mon frère avec l'un, moi avec l'autre. À essayer de les raisonner. Des heures de discussions. Et ma mère, nous faisait payer tout cela.

Elle nous enfermait avec elle. Il fallait faire des sorties pour lui faire plaisir. Il fallait être soudé à trois. Sauf que la seule personne avec laquelle j'étais soudée était mon frère. Elle nous empêchait de vivre. Elle pouvait ne plus nous parler pendant des jours, sans raison, ou parce que l'on avait demandé pour aller voir une copine. Et pour que tout cela se termine, il fallait dire pardon. Pardon d´avoir voulu te laisser. Pardon d'avoir voulu vivre ma vie. Tout était trahison.

Sa putain de trahison à la con.

Je l'ai trahie en me faisant violer, en ayant de mauvaises notes, en partant au cinéma avec mes copines, en m'achetant de nouveaux habits, en grandissant, en ayant des idées, en ayant potentiellement un avenir meilleur que le sien. En ayant un corps plus jeune, qu'elle rabaissait. Il fallait qu'elle soit plus belle, plus mince, qu'elle essaye mes habits. Une concurrence dont je n'ai jamais été dupe. Et je la détestais pour ça. Alors qu'elle ne se sente pas bien dans son corps, qu'elle se sente en danger avec les autres femmes avec lesquelles il fricotait, je m'en fous. Même si j'ai vite compris cela, j'ai aussi vite compris que l'on ne faisait pas ça à sa fille. On trouve sa fille belle. On a envie qu'elle le soit.  On ne joue pas avec elle.

Alors celle qui a été trahie. C'est moi. Trahie par une mère bouffée par un type à la con.

Elle te dirait l'inverse bien sur. C'est aussi une grande manipulatrice victime de sa vie. Pour ma part, je ne serai jamais victime. Je te le dis je me suis toujours battue, avec les mauvaises armes c'est vrai. Il m'aurait fallu une hache, un couteau tranchant, pas de l'amour. Pas de l'amour pour des parents incompétents. Mais je reste persuadée que les enfants aiment leurs parents. Je les aime toujours. Mais le passé restera toujours en moi. Je ne pourrais jamais oublier. Je ne veux pas. Aujourd'hui j'ai coupé les ponts avec ce type. Trop de souffrances. Il est parti en plus de tout ca ce connard. Et moi aussi, je suis partie. Je ne veux plus qu'il m'approche. Je ne veux plus de lui dans la vie. Il m'en a trop fait.

Avec la hauteur du temps, et du travail si dur que je menais dans un centre d'aide, ca parait fou d'avoir accepté tout cela à vingt ans. Mais l'emprise vous fait faire des choses terribles. Et tu en es toujours la coupable. Coupable de laisser ta mère seule alors que tu t'amuses. Coupable d'avoir énervé ton père, tu sais qu'on est dimanche, coupable de discuter alors qu'il y a rugby à la télé, coupable de pas faire des études qui rendent fiers, coupable d'être toi au fond. Coupable de rappeler qu'ils ont un secret. Un secret finalement tellement banal aujourd'hui, il la trompe. Je suis bien sur, compatissante de la douleur de ma mère à ce sujet. Mais je ne pourrais accepter aucune explication, excuses ou autre bafouilles, rien ne justifie de rendre sa fille coupable de tout, traitre et confidente à la fois. Je n'ai jamais su en vingt ans comment me comporter. Je n'ai jamais su qui j'étais. Qui j'étais n'était pas ce qu'il fallait. Ca je le savais.  

Cette période, heureusement je travaillais l'été. Sans mon mari, loin, je crois que je serais devenue folle.

Mon mari est rentré. Je l'ai vu. J'ai senti son odeur. Et nous avons marché après le repas dans la campagne, j'ai un souvenir merveilleux et tendre de ce moment. Je sentais mon mari amoureux. Je me sentais belle. Je portais une robe bleue. Je l'aimais tellement. Je me rappelle rire de ces histoires de vacances, lui décrire les gens de mon boulot, en rire, en rire, et de ses bisous tendres, doux mais doux...

Ce soir là, j'ai compris ce que c'était de faire l'amour.

Ce soir là j'ai compris que l'on pouvait être aimée et heureuse par un homme sincère. Et que le véritable amour, ce n'est pas la possession, coucher, gueuler, douter. C'est se laisser être.

J'ai su qui j'étais en posant ma tête sur son ventre. J'étais sa femme. Et avec lui, j'allais apprendre à être heureuse. Heureuse et brisée.  

 

 

 

 

 

 

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